AccueilSociétéNon-rapatriement de Français détenus en Syrie : « Les décisions de refus sont arbitraires »

Non-rapatriement de Français détenus en Syrie : « Les décisions de refus sont arbitraires »

Les acteurs du monde judiciaire versaillais se sont réunis à la cour administrative d’appel pour échanger autour de l’État de droit en Europe. Me Dosé, avocate parisienne, est notamment intervenue concernant une décision récente de la CEDH.
Pour Me Marie Dosé (assise au fond, derrière Marc Cimamonti, procureur de Versailles), les décisions de refus de rapatriement étaient "arbitraires".
© SIDF - Pour Me Marie Dosé (assise au fond, derrière Marc Cimamonti, procureur de Versailles), les décisions de refus de rapatriement étaient "arbitraires".

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« C’est un moment solennel parce que c’est un sujet important. Il doit nous inciter à la réflexion et nous inviter à une forme d’action pour garantir cet État de droit ». Marc Cimamonti, procureur de Versailles, a d’emblée donné le ton de ce rendez-vous organisé par l’université de Versailles Saint Quentin (UVSQ), la Cour d’appel de Versailles, le Tribunal judiciaire, la Cour administrative d’appel, et le Tribunal administratif, et l’Ordre des avocats de Versailles.

Comme l’a rappelé Géraldine Giraudeau, professeur de droit à l’UVSQ, l’État de droit désigne la prédominance du droit sur le pouvoir politique. Il suppose notamment que la loi soit respectée à la fois par les gouvernants et les gouvernés, qu’il y ait égalité entre les individus pour permettre à toute personne de contester les décisions de l’État et que l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs soient garantis.

Marie Dosé, avocate au barreau de Paris, est plus particulièrement intervenue concernant la condamnation de la France le 14 septembre dernier par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) relativement à l’affaire du non-rapatriement d’enfants et de femmes de djihadistes de Syrie.

La France condamnée par la CEDH

Déjà pointée du doigt par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, l’État a donc été condamné par la CEDH. A l’origine, en 2021, les parents de deux jeunes françaises avaient vu leur demande de rapatriement refusée. Ils avaient alors demandé à la Cour de Strasbourg que soit mis un terme aux « traitements inhumains et dégradants » dont ces femmes et leurs enfants faisaient l’objet, dans un camp du nord-est de la Syrie. « La question principale était celle de savoir si la France avait l’exercice de la juridiction sur ces camps. Je l’ai prouvé par la politique du cas par cas », a expliqué l’avocate. Cette politique consistait, selon Me Dosé, à « rapatrier arbitrairement tel ou tel enfant, et à effectuer ainsi un tri abject en les séparant de leur mère laissée sur place et parfois de leur fratrie ».

La CEDH a finalement considéré que la France avait violé l’article 3.2 du protocole 4 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Aux termes de cet article, « nul ne peut être privé d’entrer sur le territoire de l’Etat dont il est le ressortissant ». Aussi, la Cour de Strasbourg a demandé à la France « réexaminer » le plus rapidement possible ses demandes de rapatriement. « J’ai envoyé 280 demandes dès le lendemain du 14 septembre. Les décisions de refus de rapatrier sont arbitraires, dans un État de droit, ce n’est pas possible », a estimé Marie Dosé.

Les décisions de refus de rapatrier "arbitraire" ?

Si les femmes de djihadistes n’ont pas un droit général au rapatriement au titre du droit d’entrée en France, elles peuvent toutefois, en cas de refus, demander le contrôle d’une autorité administrative indépendante (AAI) ou d’un magistrat pour vérifier que le rejet ne repose sur « aucun arbitraire ». Cela peut être notamment le cas lorsque l’intégritéphysique d’un enfant est en jeu.

Il faut savoir que le 20 octobre dernier (après cette intervention de Marie Dosé), le ministère des Affaires étrangères a indiqué que la France avait rapatrié 15 femmes et 40 enfants de camps de prisonniers jihadistes. Ces derniers, dont sept orphelins, ont été confiés aux services chargés de l’aide à l’enfance et feront l’objet d’un suivi médico-social. Les adultes ont de leur côté été remises aux autorités judiciaires. Début juillet déjà, quelque 35 enfant et 16 mères avaient été rapatriés. Les observateurs y voient un double signal de la fin de la politique du « cas par cas ». La France s’est en effet dit prête à envisager de nouveaux rapatriements « chaque fois que les conditions le permettraient ». Il resterait encore 150 personne dans ce cas.

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