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La ferme de l’Envol : « Notre but, c’est d’être une ferme la plus autonome possible », Paul Charlent, CEO d’Alancienne

La ferme de l’Envol, située sur la base 217 en Essonne, ambitionne de révolutionner le monde agricole avec ses 75 hectares de polyculture et promet de subvenir prochainement aux besoins alimentaires d’une partie des habitants du territoire.
La ferme de l’Envol : « Notre but, c’est d’être une ferme la plus autonome possible », Paul Charlent, CEO d’Alancienne
© DR

Économie Publié le , Propos recueillis par Margot Herrada

Paul Charlent, CEO d’Alancienne, l’une des entreprises à l’initiative du projet, raconte comment celui-ci a été pensé, dans quel but mais surtout, quelles sont les ambitions de cette Ferme de l’Envol qui ne cesse d’innover.

Vous vous présentez ?

Je suis Paul Charlent, cofondateur d’Alancienne, un circuit court qui travaille directement avec des producteurs locaux et durables. Je suis aussi cofondateur et directeur délégué de la Ferme de l’Envol depuis maintenant quatre ans que nous avons lancé le projet.

Quand vous lancez le projet, est-ce l’agglomération de Cœur d’Essonne qui est venue vers vous, ou est-ce que c’est vous qui leur avez directement proposé ?

De mon côté, nous avions déjà fondé Alancienne et nous travaillions avec plein de petits producteurs locaux depuis 2016. Nous avions envie de tester des choses et l’idée de monter une ferme nous trottait un peu dans la tête. En parallèle, Cœur d’Essonne Agglomération a récupéré une grosse partie de la base militaire 217 avec pour mission de faire la conversion de cette base, notamment en inaugurant un pôle de production agricole biologique. Certaines personnes qui travaillaient sur le projet avaient remarqué notre mode de fonctionnement assez innovant, alors elles nous ont contacté pour savoir si nous voulions monter une ferme. Nous nous sommes donc tournés vers Fermes d’Avenir. Il y avait aussi des agriculteurs qui étaient plus ou moins sur un projet de reprise de ces terres-là, ils ont donc été inclus dans le notre et nous avons démarré ensemble. Maintenant, neuf personnes gèrent la ferme au quotidien et nous sommes une vingtaine de personnes à l’initiative du projet.

Quel est le rôle d’Alancienne, justement, sur le projet ?

Pour monter un projet agroécologique, il faut réfléchir à la gestion des semences, de l’eau, de l’énergie, mais aussi à la question sociale, avec la rémunération des agriculteurs notamment. Sur ce point, nous rémunérons les agriculteurs 2 600 € net, ce qui est largement au-dessus d’un salaire d’agriculteur standard. D’ailleurs, pour qu’un projet de ce type-là fonctionne, il faut avoir le moins d’intermédiaires possible dans le circuit court et c’est la mission d’Alancienne, qui est capable de récupérer les produits et les vendre directement aux particuliers. L’entreprise Alancienne est aussi associée au projet et en tant que directeur délégué, je participe aux décisions stratégiques, nous réfléchissons aux débouchés commerciaux, aux partenariats, aux problématiques agronomiques, etc.

© Cœur d'Essonne Agglomération

Comment avez-vous créé Alancienne ? Et quand ?

Je suis passionné de cuisine depuis très longtemps et j’ai remarqué que, pour faire de la bonne cuisine, il fallait avant tout des bons produits. Je me suis rapproché des producteurs locaux et je me suis rendu compte en les côtoyant qu’ils ne vivaient pas de leur métier. Pourtant, ils travaillaient d’arrache-pied, la plupart n’a pas de week-end et ne prend jamais de vacances. J’ai trouvé ça extrêmement injuste. D’autant plus que c’est à eux que l’on demande en premier lieu de se retrousser les manches et de faire des efforts pour enclencher la transition écologique, comme l’agriculture elle l’une des plus grosses causes du changement climatique. J’ai voulu comprendre comment nous en étions arrivés là, à faire en sorte que les gens qui nous nourrissent ne soient plus inconsidérés, donc j’ai fait des études sur le sujet, j’ai étudié à Centrale Paris puis à l’université de Berkeley, où j’ai rencontré mes deux associés. Une fois rentrés en France nous nous sommes lancés à quatre avec l’idée de monter un circuit court qui permettrait aux consommateurs d’avoir accès à des produits sains.

Quelle est l’offre de services que vous proposez ?

Alancienne possède un site internet où l’on propose les produits d’une centaine d’agriculteurs de la région parisienne. Nous proposons de tout : fruits, légumes, viande, produits laitiers, évidemment de saison. Les gens commandent sur le site ce qu’ils souhaitent jusqu’à la veille de la livraison, puis nous transmettons les commandes aux producteurs, nous les récupérons le lendemain avant de les livrer. Ce mode de fonctionnement nous permet de bien rémunérer l’agriculteur, puisqu’il va gagner entre 1,5 et 3 fois plus que ce qu’il aurait pu gagner normalement. C’est aussi une manière de réduire drastiquement le gaspillage alimentaire puisque, contrairement à un marché ou un magasin qui va jeter s’il ne vend pas, nous allons garder les produits en terre et les conserver plus longtemps s’ils n’ont pas encore été commandés.

Le déploiement du projet est prévu sur 5 ans, nous sommes actuellement dans la troisième année, où en êtes-vous du développement ? Quels sont les projets en cours, ceux qui arrivent ?

Nous avons mis en place la première phase, celle du maraîchage, et là nous sommes en train de lancer la phase 2 où nous allons accueillir un paysan boulanger sur la ferme. Il fera de la grande culture avec des céréales et des légumineuses et vendra ensuite le pain préparé sur place, d’ici l’été prochain j’espère. Puis, il y aura la phase 3 avec un peu d’élevage, afin de produire un peu de matière organique pour les sols. L’idée c’est vraiment d’être en polyculture et élevage avec des pôles qui se répondent : les animaux valorisent la paille et le foin pour faire du fumier, les céréales servent à faire la paille. Le but, c’est d’être une ferme la plus autonome possible.

© A.Magnan - Airbornes Films

Parmi les ambitions de la ferme, on note celle de garantir un approvisionnement de produits bio et locaux aux citoyens du territoire : comment allez-vous vous organiser sur la question ? Quid du prix du bio, qui n’est pas accessible à tous ?

La problématique est assez globale, quand on parle du prix du bio, il faut parler avant tout du prix du conventionnel. On nous a mal habitués en nous faisant croire que c’était si peu cher le prix des fruits et légumes alors qu’en réalité, nous le payons plusieurs fois. Il y a le prix à la caisse mais aussi le prix environnemental et celui des politiques publiques. Par exemple, la politique agricole commune (PAC) est le premier budget européen dont la France est l’un des premiers pays bénéficiaires. Sans cette PAC, 56 % des exploitations françaises mettraient la clé sous la porte. Nous finançons aussi les problèmes de santé engendrés par l’agriculture conventionnelle, puisque la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et une dizaine d’autres maladies sont reconnues maladies professionnelles des agriculteurs. Avec la sécurité sociale, nous remboursons collectivement 100 % des frais de ces maladies.

Après, si l’on réduit sa consommation de viande et que nous n’en mangeons qu’une fois par semaine, il est possible niveau budget d’acheter des légumes bio, qui ont du goût, etc. Enfin, pour ceux qui n’ont pas les moyens, nous aimerions que l’État travaille à la mise en place d’un chèque alimentaire, ou même d’une sécurité sociale alimentaire, pour qu’on puisse permettre à tous d’acheter des produits bio locaux, sains, de saison et en direct des petits producteurs.

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