Actuellement, « on poursuit le plus souvent des procédures sans les lire ou du moins on les lit à un moment trop tardif une fois l'enquête clôturée », regrette le procureur général de Versailles, Marc Cimamonti, lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour (Val-d'Oise, Yvelines, Eure-et-Loir, Hauts-de-Seine).
Aujourd'hui, le contrôle des enquêtes par le parquet reste « très largement téléphonique pour la délinquance générale du quotidien » alors qu'il faudrait « prendre connaissance des procès-verbaux des investigations en temps réel », poursuit le procureur général. Mais c'est sans compter la « faillite numérique » à laquelle sont confrontés les magistrats : « un logiciel de traitement de texte » qui date de 2004, « huit ou neuf » programmes nécessaires pour tenir une permanence au parquet... « Il est très compliqué pour un parquet d'avoir une connaissance fine d'une enquête », abonde le nouveau Premier président, Jean-François Beynel.
Ce dernier a commencé comme juge d'instruction, avant une longue carrière jusqu'à l'inspection générale de la justice, regrette des enquêtes parfois incomplètes, soulignant « un problème de formation et de niveau » dans certains services.
Pour avoir des enquêtes « inattaquables », il ne faut « pas simplement faire des constats et envoyer dans le circuit, il faut enquêter à charge et à décharge, faire des confrontations... liste Jean-François Beynel.
« Il ne faut pas dire police contre justice », complète Marc Cimamonti, rappelant que dans certains commissariats, un officier de police judiciaire peut avoir jusqu'à mille enquêtes par an. Face à cette « dégradation de la qualité des enquêtes de police judiciaire dans les principaux centres urbains », la Cour s'attache à collecter des statistiques pour « mettre en évidence un déficit de moyens », d'autant plus pesant avec « la hausse du contentieux des violences conjugales », explique Marc Cimamonti. Fin novembre, une tribune de jeunes magistrats, criant mal-être et souffrance au travail, a suscité une mobilisation inédite de la part des acteurs du monde judiciaire, réclamant plus de moyens.
Face à ce malaise, « je ne serai pas un président qui se contente de bons sentiments sans agir », a promis Jean-François Beynel, qui prend la tête d'une cour aux juridictions importantes, dont Nanterre, qui accueillera en mars le pôle national des "cold cases".