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Jean Terlon « la vraie réouverture des restaurants se fera en juin »

Suite à l'annonce et la confirmation de la réouverture progressive des cafés et restaurants à partir du 19 mai, Jean Terlon, vice-président restauration de l'Umih (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), revient sur les difficultés qui pourraient encore affronter les restaurateurs.
Jean Terlon « la vraie réouverture des restaurants se fera en juin »

Économie Publié le ,

Comment avez-vous accueilli les annonces gouvernementales ?

Jean Terlon : Le point positif, c'est le fait d'avoir enfin obtenu une vraie date, qui soit ferme et définitive, pour l'instant, avec des ouvertures par étapes. Les trois semaines de prévenance ont bien été respectées. Après, il faut voir quoi, comment, et dans quelles conditions…

L'ouverture des terrasses ne suffit pas ?

J. T. : Il s'agit du même processus que l'année dernière, au moment du déconfinement de mai-juin. La réouverture des terrasses, c'est une mesurette qui permet de donner une date. C'est le signe que l'on s'y engage à tâtons. Le problème des terrasses, c'est que seulement 30 % des restaurateurs en ont une. A cela s'ajoutent deux autres difficultés. La première, c'est la météo. Une terrasse ne peut fonctionner qu'en l'absence de vent et de pluie. Le deuxième problème qui se pose, c'est la jauge, les 50 % de capacité. Finalement, ouvrir des ces conditions, cela revient à ouvrir une terrasse en demi-jauge, en espérant qu'il fasse beau et en ne pouvant effectuer qu'un seul service.

Donc beaucoup de questions se posent pour les restaurateurs avant de rouvrir… L'an dernier, nous avions été les derniers à rouvrir, à Paris et en Île-de-France. Une terrasse ce n'est pas un restaurant. Un restaurant, c'est une salle de restaurant qui peut avoir une terrasse. Ce n'est pas la même chose. Le mois de mai ce sera donc une période d'observation.

La vraie réouverture des restaurants, c'est lorsque nous pourront faire ce que nous voulons. C'est-à-dire le 30 juin. La liberté d'ouvrir sera alors totale, à condition, toutefois, que la situation sanitaire ne s'aggrave pas… il faut se montrer réaliste. La menace que fait peser le virus n'a pas disparue. D'où ce tâtonnement. Il y aura une deuxième étape entre temps, le 9 juin. Nous pourrons alors rouvrir 50 % de la salle de restaurant. Aujourd'hui, en cas de mauvais temps, il n'y a pas de repli possible. Et comme l'année dernière, la météo se gâte… En outre, vous n'avez pas le droit de circuler dans la salle de restaurant. C'est encore pire que l'année dernière.

Quel est le meilleur choix ?

Chaque restaurateur agit comme il l'entend. Le mois de mai est sécurisé, avec le fonds de solidarité. Ce sera le dernier mois qui sera calculé sur la base qui existe depuis novembre. Ensuite nous connaitrons un déconfinement des aides. Le but du Gouvernement, c'est de remettre tout le monde au travail. Toutes ces mesures commencent à coûter cher… notre métier n'est pas encore sorti de l'auberge, c'est le cas de le dire.

Quelles seront les mesures sanitaires pour ceux qui ont rouvert?

J. T. : Le protocole sanitaire mis en place lors du premier confinement est toujours en place. Mais je dirais que se laver les mains avant de manger devrait être une habitude en tout temps. Il y a le port du masque, qui reste obligatoire à l'intérieur de l'établissement, pour circuler. Si les Français souhaitent que nous rouvrions complètement, la clé du succès est entre leurs mains. Je rappelle que dans la restauration, les protocoles sanitaires font partie de notre ADN.

Les recrutements vont aussi poser problème ?

J. T. : C'est la surprise du chef ! Dans notre métier, nous sommes des passionnés. Nous ne comptons pas nos heures (près de 70 heures par semaines !) depuis que nous avons commencé à travailler. Il y a le service, la gestion de l'entreprise… tout cela est très prenant. D'autant que nous avons deux services, donc pratiquement deux journées en une. Nous avons été habitués à travailler constamment. Avec la crise sanitaire, il y a eu une prise de conscience que nous sommes passés à côté de beaucoup de choses.

De la même façon, les salariés se disent qu'ils font beaucoup d'heures, qu'ils ont parfois passé 10, 15, 20 ans dans le métier et qu'ils n'ont pas pu participer aux fêtes d'anniversaires, aux mariages, ou voir leurs enfants grandir. Certains ont donc changé de voie, on le voit déjà avec les saisonniers qui ont un mal fou à recruter. Des problèmes de recrutement vont se faire jour. Mais c'était déjà le cas avant. Notre métier était déjà en grande tension, en cuisine, mais aussi et surtout en salle. De plus, les clients ont aussi pris l'habitude de commander des plats à emporter. Les restaurateurs ont bien vu la différence. Cela aussi va être bouleversant. Donc c'est un grand saut dans l'inconnu.

Vous avez une idée chiffrée ?

J. T. : La profession estime que 100 000 à 130 000 personnes auraient déjà changé de métier. Ça fait beaucoup. Maintenant, il va y avoir du boulot. Les offres de travail sont là. Comme je l'ai dit, c'était déjà le cas avant-crise, nous n'arrivions pas à combler nos besoins. C'est un métier de contraintes. Si on l'aime avec passion, on s'en moque, mais il faut du monde pour faire tourner le secteur. L'esprit des 35h est passé par là… pour faire tourner cette “société de loisirs“, il faut bien du personnel.

A Paris, la situation va être compliquée. Les restaurateurs ont beaucoup souffert des manifestations des gilets jaunes. Les touristes étrangers seront absents, ce qui fait que les “grandes tables“ réfléchissent à n'ouvrir qu'en septembre. Tant que les Chinois, les Américains et les Japonais ne viennent pas en France, ce sera compliqué. Si je prends l'exemple d'un trois étoiles au Michelin, 70 % de sa clientèle est étrangère. De la même façon, la fréquentation à l'aéroport d'Orly est faible.

Vous craigniez, dernièrement, un grand nombre de défaillances d'entreprises…

J. T. : C'est pour cela que j'ai parlé de grand saut dans l'inconnu. Aujourd'hui la restauration est sous perfusion avec le fonds de solidarité. Il va falloir rembourser les PGE, que beaucoup ont souscrit par sécurité lors du premier confinement. Tout ne s'est pas passé comme prévu...

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