C’est sur le toit de la Grande Arche de la Défense, à Puteaux, que Florent Burtin et Philippe Vincent, respectivement président et premier vice-président de la CRCC de Versailles et du Centre, ont convié leurs membres, pour assister à l’assemblée générale de la Compagnie et participer à un temps institutionnel.
Avant les prises de parole proprement dites, les participants ont assisté à une conférence de la philosophe Laura Lange, sur le thème “optimisme et changement, la confiance en l’avenir“. Permettre à son public de « s’extraire de son environnement le temps d’un saut », ou encore de « sortir du bocal » - notamment professionnel -, pour prendre de la hauteur et éveiller son esprit critique, telle est la mission de Laura Lange, qui aime à manier la langue des oiseaux pour mieux illustrer sa pensée.
Une entrée en matière idéale pour Yannick Ollivier, président de la CNCC, qui a proposé à ses confrères de prendre du recul pour revenir sur l’actualité de la profession. « Si nous avions déjà, l’année dernière, des raisons objectives d’être optimistes, ces raisons sont très claires cette année ; parce que nous avons gagné des combats. Nous commençons à obtenir des résultats et pas des moindres », a-t-il lancé, précisant que cet optimisme s’inscrivait malgré tout dans un contexte compliqué. Pandémie, guerre en Ukraine, inflation… les crises se sont accumulées ces dernières années, rendant le besoin de sécurité et de transparence plus que jamais nécessaire.
Alors que la question de l’utilité des CAC a pu être posée dans le contexte de la loi Pacte, aujourd’hui le sujet n’est plus du tout abordé. « Les relations avec Bercy, qui étaient bonnes, sont devenues excellentes, de même qu’avec la Chancellerie », a expliqué Yannick Ollivier, précisant qu’un changement fondamental était intervenu pour la profession avec l’obtention, au niveau européen, de la certification des données extra-financières. « Nous ne sommes pas des auditeurs légaux comme les autres, nous avons des règles déontologiques fortes, un régulateur, un socle éthique important. C’est cette singularité qui a pesé lors des négociations avec la Commission européenne », a-t-il souligné, estimant que la présence d’un régulateur, de contrôles et de normes déontologiques était une chance.
Pour le président de la CNCC, ces atouts donnent de la légitimité à la profession lorsqu’elle défend ses positions devant ses partenaires, notamment gouvernementaux. « Si nous avons gagné le positionnement des professionnels dans la loi 3DS, faisant que les sociétés contrôlées par les sociétés d’économie mixte locales sont certifiées, c’est aussi grâce à cette singularité. Il nous faut capitaliser là-dessus », a-t-il estimé.
« Nous fournissons de la confiance, nous participons à la transparence de l’économie. Nous l’avons toujours dit, mais aujourd’hui nous le faisons vivre, nos efforts commencent à payer. Le CAC revient à sa juste place. On pense systématiquement à nous parce qu’on a besoin de nous. Et c’est aussi une réalité du marché », a poursuivi Yannick Ollivier, remerciant au passage ses confrères pour leurs efforts.
Moins de mandats perdus que prévu
Si la profession s’attendait à perdre entre 30 000 et 40 000 mandats dans les petites entreprises du fait du relèvement des seuil, la CNCC a finalement constaté que ce chiffre n’avait pas dépassé la barre des 11 000 mandats (selon le baromètre 2022 sur la présence des CAC dans les petites entreprises). « Ce baromètre nous a aussi permis de voir que la profession est en train de s’approprier ce discours, de se valoriser. Elle a compris qu’on ne lui demandait pas fondamentalement de changer ce qu’elle était, mais de modifier la façon dont elle communique », a poursuivi Yannick Ollivier, qui défend l’idée que les CAC n’est pas une profession du chiffre, mais une profession du droit qui travaille sur le chiffre. « Ce discours commence à prendre, on le revoit sur les territoires. Nos anciens députés nous l’avaient remonté ».
Les inquiétudes liées aux concentrations de marché ont également été battues en brèche par les résultats de cette étude. La CNCC s’est aperçue qu’en trois ans, les parts de marché restaient les mêmes, les effets de concentration restant limités. « L’année dernière, nous avions identifié le fait qu’il n’y avait pas de diminution significative d’inscrits (personnes physiques). Cette année, cela se maintient. En outre, Nous avons des éléments probants indiquant que les parts de marché par taille de cabinet se maintiennent. Cela signifie aussi que la diversité de la profession se maintient, ce qui est une excellente chose », a ensuite assuré Yannick Ollivier, précisant qu’il n’y avait pas que le marché ou la posture qui comptait pour la CNCC, mais aussi la diversité.
La profession sort de son carcan
Toujours en termes de bonnes nouvelles, Yannick Ollivier a rappelé que d’ici deux mois la Cour des comptes allait recommander une généralisation de la certification des collectivités territoriales, qui sera portée par les CAC (voir l’article La certification des comptes de collectivités « a du sens », selon Yannick Ollivier). « C’est aussi un renforcement fort de la posture des CAC dans leur mission d’intérêt général », s’est réjoui le président de la CNCC.
Malgré la perte de 10 500 mandats et de 35 millions d’euros d’honoraires dans le monde des PE, le chiffre d’affaires global des CAC a dépassé symboliquement les trois milliards d’euros en 2021, contre 2,7 milliards d’euros en 2020. Avec ce qu’apporteront les enjeux RSE à la profession en termes d’activité, ces sommes devraient être largement dépassées, selon Yannick Ollivier. « Derrière ces chiffres, certains ont beaucoup perdu. Nous ne les oublions pas et nous les accompagnons. Nous essayons de tout faire pour créer ces dynamiques avec des nouvelles missions, pour réenclencher la présence des CAC dans les PE, etc. Nous continuerons de nous montrer présent, c’est aussi le rôle de la compagnie », a-t-il toutefois tenu à préciser.
« Nous sortons du carcan dans lequel on nous a enfermé, c’est-à-dire une profession vieillissante et conservatrice enfermée dans ses normes, pour passer à de vrais acteurs d’intérêt général au service de la transparence et du fonctionnement efficace de notre économie, grâce à la confiance que nous apportons », a-t-il souligné, avant d’évoquer le travail de la CNCC en matière de ressources humaines et donc de formation, la « priorité absolue » sans laquelle la profession ne pourra pas réaliser sa mue.
L’état du marché
Florence Peybernès, présidente du H3C, est ensuite intervenue pour évoquer notamment l’état du marché du contrôle légal des comptes en France. Selon une étude faite sur les années 2018à 2021, la diminution du nombre d’entités soumises à une obligation légale du CAC est en France de – 2,3 %. « Ce sont les effets directs de la loi Pacte qui a relevé les seuils », a expliqué la présidente du H3C. À l’inverse, comme l’a évoqué Yannick Ollivier, le volume globale des honoraires est en légère progression, de +1,5 %. Cette étude relève également une très légère diminution du nombre de CAC inscrits entre 2018 et 2021 (- 4 %).
Cependant, la part des cinq principaux réseaux en France, à la fois sur le marché EIP et non-EIP, représente 50,5 % des honoraires, contre 51,5 % en 2018. Cet indicateur en légère baisse se fait au profit des acteurs de tailles intermédiaire, mais pas des plus petits cabinets.
Concernant le marché du contrôle légal des comptes des EIP, les cinq principaux réseaux détiennent plus de 88 % des honoraires. Chacun détient une part significative du marché, sans qu’il y ait un important déséquilibre entre eux, ni de prédominance marquée. « Leur position concurrentielle respective reste similaire à celle de l’année 2018 », a précisé Florence Peybernès. En nombre de mandats, la part de ces réseaux atteint les 67,2 % (décrue légère, de 1 point, par rapport aux acteurs de taille intermédiaire).
« Dans le CAC 40, nous sommes passés de cinq (2018) à six grands réseaux. Sur les plus grands groupes cotés avec une très large présence internationale, la prédominance des cinq grands réseaux reste très marquée », a-t-elle poursuivi. « Ce passage de cinq à six réseaux est une excellente nouvelle pour la profession. Nous avons 14 réseaux différents présents sur les sociétés mères de l’indice SBF 120 en 2021. Il y a de la place, il y a aussi de la qualité, y compris dans de l’audit complexe, chez les cabinets intermédiaires. C’est pour nous un signe encourageant d’ouverture du marché français ».
La formation en ligne de mire
La présidente du H3C a ensuite confirmé que si de nouvelles missions étaient confiées aux CAC, c’était notamment en raison du fait que la profession s’est renforcée dans son éthique, dans ses techniques de travail, mais aussi parce qu’elle était régulée. « Le régulateur est une vraie force pour vous, en tant que profession du droit, parmi d’autres qui n’offrent pas toutes ces garanties de contrôles si périodiques, récurrents et intenses vous demandant de vous réformer », a-t-elle assuré. « Oui, nous sommes parfois désagréables avec certains CAC. C’est rare, mais nécessaire. Certains professionnels, rares, s’écartent un peu trop de leurs règles. Le régulateur doit le leur dire, pour permettre aux autres de déployer tout leur talent, toutes leurs compétences, et afin de donner confiance dans leur signature, qui est très importante pour la profession et l’économie ».
Face à la lourdeur de la procédure actuelle en matière de sanction des professionnels qui ne respectent pas leur obligation de formation, la présidente du H3C envisage par ailleurs la création d’une composition administrative (une amende). Mais cette réforme nécessitera de passer par la voie législative. Enfin, dans le cadre de la directive CSRD, le H3C réfléchit à devenir le régulateur de cette nouvelle mission confiée aux CAC. « Cela consisterait, pour nous, en une réforme très importante de notre institution », a annoncé Florence Peybernès, précisant que « tout [était] à construire ».